mercredi 12 mai 2010

Traversée vers la Corse

Nous étions en route pour les îles du Levant, mer plate et vent agréable, lorsque nous nous rendîmes comptes que nous avions les conditions idéales pour entamer la traversée. Une consultation rapide des fichiers météo nous confirme cette option. On risque juste un petit peu de pétole cette nuit et éventuellement une bascule sud sur l'arrivée. En même temps les bascules... La décision est prise, j'abats légèrement pour me retrouver travers au vent, on file à 6 nœuds et le soleil brille. Le vent continue d'adonner, on envoie le spi au milieu de méduses à voiles (super jolies) que Jhé a d’abord pris pour des objets d'espionnages militaires. Le vent molli tout d'un coup puis bascule, on affale le spi et on repart tranquilou au bon plein. On commence à se rendre compte que ça y est, qu'on va passer le nuit en mer, et que l'aventure commence vraiment, quand un bruit de moteur vint troubler notre soirée. C'est un bateau de l'armée qui nous demande gentiment de nous dérouter car il va y avoir des tirs d'hélicoptère cette nuit sur la zone que nous traversons. Comme on n’est pas trop motivés pour servir de cible, on se déroute.
Merde, ça nous fait faire un détour de presque 20 miles (sur 110 pour la traversée). On met le moteur pour aller plus vite. Teuf teuf teuf... teuf...teuf... silence, plus de moteur. On est en panne sèche. On remplit vaille que vaille le réservoir avec les bidons pleins mais pas moyen de faire repartir ce maudit truc. En même temps, à la voile, on avance à 4 5 nœuds au portant, et la mer est toujours aussi plate. Le soleil s'est couché, il fait nuit, et on hésite entre allez mouiller de nuit dans le golfe de Saint-Tropez (à quand même quelques heures de nav de là) sans moteur ou continuer à la voile en espérant arriver en Corse avant la nuit prochaine.
On choisit la deuxième option en priant les vents de nous rester favorables. La nuit s'installe, on a le vent "dans le cul" ce qui n'est pas l'allure la plus confortable pour notre bateau, il faut rester vigilent à la barre et pas moyen de mettre le pilote (de toute façon, sans moteur, on préfère ne pas trop tirer sur les batteries). Jhé prend le premier quart de minuit à quatre heure. Il aperçoit surtout des cargos, dont un de près, et des milliers d'étoiles. Je le relaie pour les quatre heures suivantes. J'ai la chance d'assister au lever du jour, puis au lever du soleil. Eole nous a entendu et le vent souffle toujours, nous permettant de conserver notre moyenne de 3 4 nœuds.
Au p'tit dèj, la fatigue commence à s'installer, mais le vent se lève un peu, on se retrouve à une allure plus confortable et le bateau avance un peu plus vite. Je retourne dormir deux trop courtes heures avant de reprendre la barre. Au réveil, le bateau avance à 5 nœuds 5, on roule moins et on peut presque lâcher la barre. Je somnole à moitié, la main posée sur la barre, en ouvrant un œil toutes les 3 minutes lorsque des flops, flops, ploufs annoncent la présence de vie aquatique toute proche. Une petite dizaine de dauphins sautent gracieusement autour du bateau pendant une vingtaine de minute. Wouah !!! La fatigue disparaît comme par magie et cette diversion me redonne la pèche pour l'heure qui suit. Le bateau avance bien à présent, Jhé me relaie à la barre, on commence à s'organiser pour manger un bout. Le vent forcit progressivement et on trace bientôt à 6, 7 nœuds. La distance qui nous sépare de la Corse s'amenuise et on commence à scruter l'horizon en espérant voir la terre.
Comme souvent, celle-ci tarde à se montrer et on espère que notre GPS ne s'est pas déréglé, qu'on arrive bien sur la Corse et tout et tout. Soudain, à travers la brume, des montagnes émergent. Terre à l'horizon !!! Ça y est, on est "presque" en Corse. Enfin, reste encore 15 miles à parcourir et le vent forcit. On décide de prendre un ris et d'envoyer le foc sur son étai largable. Les manœuvres prennent toujours plus de temps à deux, mais on finit par stabiliser le bateau, qui file toujours à 6 nœuds. Le phare de Punta Di Revelatta (Calvi), puis la citadelle sortent progressivement de la brume et se montrent à sous le soleil. Jhé à mal à la tête et rentre faire une mini sieste avant l'arrivée au port, toujours sans moteur. Mais au niveau du cap, une mer croisée se met en place et le vent tombe brusquement. Je suis seule à la barre, non manoeuvrante, sans moteur et ballottée par cette mer croisée. Jhé sort de sa bannette, on est verdache tous les deux et il faut renvoyer de la toile avant de se rapprocher trop de ce fichu cap.
Le vent se relève dix minutes plus tard, en ayant basculé de 180°. On a renvoyé toute la toile, en espérant que ce ne sera pas trop pour les manœuvres à proximité du port. Port qu'on appelle d’ailleurs à la VHF pour leur demander un coup de main sur l'arrivée, vu notre panne de moteur. Ils nous envoient sympathiquement chier, en nous disant qu'il n'y a pas de place pour nous cette nuit, vu la régate qui se prépare.
Bon, on est partit depuis 27 heures, on est crevés et il n'y a pas de place au port !!! Heureusement, on peut prendre un coffre pas loin devant. On vise donc un petit coffre blanc en faisant une manœuvre parfaite à la voile. Mais pas moyen d'extirper ce coffre de l'eau. Le bateau se met travers au vent et on repart sans avoir pu s'amarrer. Après 10 tentatives infructueuses et une crise de désespoir, on finit par se rendre compte que les bateaux présents dans la baie ne sont pas sur coffre mais sur ancre ! On balance donc le mouillage, et on rentre dormir juste avant l'orage !

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